Atlas Social du Mans

Enjeux d'aménagement et inégalités territoriales

Le Mans : regard sur 60 ans de politique urbaine et universitaire locale

par Arnaud Gasnier et Julie Trémoureux

planche publiée le 23 avril 2024

Le regard politique et géohistorique porté sur l’université du Maine hier, sur Le Mans Université aujourd’hui, permet de lire les grandes étapes et dynamiques qui ont contribué à restructurer l’espace périphérique du nord-ouest de la ville centre et de comprendre les principaux moteurs d’un front d’urbanisation encore actuellement actif.

1Le campus de Le Mans Université apparaît stable et immuable depuis son implantation sur les rebords du plateau de Rouillon en 1965 (figure 1). En 1977, l’Université du Maine devient une université de plein exercice qui s’appuie sur deux facultés initiales (Lettres et sciences) et un Institut universitaire de technologie qui figure alors parmi les 10 premiers IUT français (J.-M. Constant, L. Bourquin, 2017). Ce premier cœur du campus excentré apparaît isolé au milieu de champs agricoles et de fermes, la rocade ouest le séparant du reste de la ville et du dernier arrêt de bus de l’hôpital (figure 2), obligeant les premières générations d’étudiants manceaux non motorisées à couvrir les 300 à 400 derniers mètres à pied pour accéder aux salles de cours. La disponibilité foncière, le coût très faible de la terre agricole, la peur et la méfiance politiques des étudiants soixante-huitards expliquent en grande partie les décisions de localisation de cette vague d’universités périphériques françaises émergeant dans les années 1960-70.

2Localement, l’Université du Maine est invisible, mal reliée à la ville, très incomplète et peu investie par les élus locaux. Dès 1977, l’action du nouveau maire communiste élu, Robert Jarry, priorise davantage les jeunes scolaires en difficulté que les étudiants.

Fig 1- Faculté des Sciences au Mans, annexe de l’Université de Caen en 1966

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Sources : Géoportail, 1966 et J-M. Constant, 2007.

Dans la campagne qui borde la ville, la faculté des Sciences constitue la première pièce du collège universitaire manceau qui est, à cette période, une annexe de l’Université de Caen. La construction de la cité universitaire de Vaurouzé démarre. Les bâtiments préfabriqués, cohabitant avec des fermes, situés à l’ouest de l’UFR Sciences, ont été détruits en 1994 pour construire la Maison de l’Université.

Fig 2- Campus de l’Université du Maine en 1987

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Sources : Géoportail, 1987.

Photographie aérienne du campus de l’Université du Maine dans un paysage encore très agricole. Seul un centre de formation (AFP) lui faisait face sur son côté sud.

3Pourtant, de la fin des années 1980 au début des années 2000, le regard que portent les élus locaux sur l’Université va progressivement changer à partir de l’hypothèse technopolitaine qui représente alors un moyen de sortie de crise économique si elle associe les laboratoires universitaires à ceux de la Recherche et Développement des entreprises de haute technologie. La considération politique de l’Université se transforme également sous l’injonction de la démographie étudiante particulièrement active de la décennie 1990 et l’obligation de devoir adapter les bâtiments universitaires d’enseignement et de recherche à l’accueil de plusieurs milliers d’étudiants nouveaux. De 2 700 étudiants en 1972, l’Université du Maine dépasse le seuil des 10 000 en 1993. Des programmes de densification du campus qui demeure mono-site, d’extension, de création de nouveaux bâtiments (UFR Droit et sciences économiques), de greffes de nouvelles formations (IUP Mime en 1994, ESGT en 1997, ENSIM en 1998, etc.) notamment professionnalisantes, sont financés par l’État (Plan Université 2000), les collectivités territoriales et locales.

4Si le projet technopolitain est vite avorté du fait de la faible attractivité entrepreneuriale du Mans d’une part, de délocalisations-relocalisations presque uniquement locales et non nationales sur le périmètre nord et ouest du campus d’autre part, le renouveau du campus universitaire ancre les ambitions politiques locales dans deux directions majeures : d’une part, l’utilisation des réserves foncières ceinturant l’Université pour la constitution de pépinières, de villas d’entreprises et de services récréatifs (patinoire, so foot) (figure 3) ; d’autre part, la stimulation de la construction publique et privée pour la fabrique d’un véritable morceau de ville, d’un nouveau quartier dont l’Université n’est plus qu’un élément central. L’approche multifonctionnelle est ici manifeste : les nouvelles résidences étudiantes (Bartholdi, Le Ribay) coexistent avec des programmes de lotissements et de petits collectifs en accession privée ou gérés par des bailleurs sociaux (figure 4). De nouveaux pôles de centralité de quartier émergent autour de nodules commerciaux (Carrefour market) et de services directement connectés aux voies de circulation routière et à la ligne du tramway, élargissant ainsi leur bassin de chalandise. La ZAC Ribay Pavillon (158 ha), celle des Rougemonts au nord, des fontaines au sud, affichent alors une volonté politique d’aménager une entrée de ville Ouest traitant la route de Laval en boulevard urbain, densifiant le site en logements (35 % de logements individuels et 65 % de logements collectifs) et requalifiant le vallon Robin des bois en espace renaturé de promenade et d’aération urbaines.

Fig 3- Abords sud du campus en 2021

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Sources : Drone ESO Le Mans, 2022.

Le campus est bordé au sud par des logements individuels et collectifs, une résidence étudiante, des bureaux, de l’hôtellerie, un pôle commercial, de restauration et de services, des entreprises artisanales et tertiaires.

5L’approche sur un temps long d’observation d’une université de taille moyenne dans une grande ville moyenne de plus de 200 000 habitants, montre les étapes changeantes et successives de la prise en considération d’abord interne d’un équipement d’enseignement supérieur et de recherche en développement, puis externe dans la volonté de renforcer l’attractivité mancelle et de planifier l’urbanisation du secteur ouest du Mans. Si l’ambition technopolitaine est restée vaine sur ce secteur, l’enjeu politique et universitaire devient aujourd’hui celui de se hisser parmi les grands établissements d’enseignement supérieur de la Région en projetant à moyen terme un second campus près de la gare du Mans. Malgré de nombreux domaines de compétences nationale et internationale de Le Mans Université aujourd’hui, à l’instar d’autres universités de proximité qui participent au processus de démocratisation de l’enseignement supérieur, elle reste perçue comme une université de classes moyennes et une « université moyenne ». L’amalgame, issu d’un abus de langage, prend racine dans la crainte de demeurer un petit établissement supérieur, voire de redevenir « collège universitaire » au sein d’un modèle de compétitivité internationale largement promu. Ce constat devient ainsi un véritable défi local dont s’empare Le Mans Métropole.

Fig 4- Abords nord du campus en 2021

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Sources : Drone ESO Le Mans, 2022.

Le campus est ceinturé au nord par de l’habitat et une diversité de formes résidentielles : pavillons sur parcelles de moins de 1 000 m2, lotissements de maisons de ville, petits collectifs de 4 à 5 niveaux. Bien que ces opérations n’aient pas été conçues dans la démarche d’un écoquartier, la continuité des espaces verts montre un fort appui sur la trame bocagère et boisée du site.

Pour citer ce document

Arnaud Gasnier et Julie Trémoureux, 2024 : « Le Mans : regard sur 60 ans de politique urbaine et universitaire locale », in G. Bailly, A. Gasnier, S. Angonnet, Atlas Social du Mans [En ligne], eISSN : 2968-0247, mis à jour le : 03/04/2024, URL : https://atlas-social-du-mans.fr:443/index.php?id=879, DOI : en attente.

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Bibliographie

CONSTANT Jean-Marie (2007), L'histoire de l'Université du Maine, Presses universitaires de Rennes, 1 vol., 124 pages.

BERTRAND Jean-René, CHEVALIER Jacques, DODIER Rodolphe, GASNIER Arnaud, (2000), Le Mans : peut-on changer la ville ?, Paris, Anthropos, collection Villes, 220 pages.

CONSTANT Jean-Marie, BOURQUIN Laurent (2017), Le Mans université, son histoire, Presses Universitaires de Rennes, Le Mans Université, 95 pages.

Mots-clefs

Index géographique

Résumé

Le regard politique et géohistorique porté sur l’université du Maine hier, sur Le Mans Université aujourd’hui, permet de lire les grandes étapes et dynamiques qui ont contribué à restructurer l’espace périphérique du nord-ouest de la ville centre et de comprendre les principaux moteurs d’un front d’urbanisation encore actuellement actif.

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