planche publiée le 19 décembre 2023

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Table des matières

Politique de la Ville et zonages

1De nombreux dispositifs de la Politique de la Ville se sont succédés depuis quarante ans en France, de l’opération « vie sociale » (1977) à la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (2014), pour réduire les écarts de développement au sein des villes et améliorer les conditions de vie des habitants. Le zonage utilisé cible les quartiers les plus en difficulté pour y répartir les aides de l’État. Certaines conditions doivent être remplies :

•  un nombre minimal d'habitants et appartenir à une unité urbaine de 10 000 habitants ou plus.
•  un revenu médian en décrochage par rapport à celui de son unité urbaine d’appartenance.

2On dénombre en France 1 514 quartiers de la Politique de la Ville (1296 en métropole et 218 en outre mer). Dès 2015, Les nouveaux Quartiers de la politique de la ville (QPV) ont remplacé les Zones urbaines sensibles (Zus) ainsi que les quartiers en Contrat urbain de cohésion sociale (Cucs). Chaque intercommunalité dotée d’un QPV doit coordonner les engagements des partenaires institutionnels à l’aide d’un contrat de ville. Ce dernier favorise le développement de l’activité économique et de l’emploi, prône la cohésion sociale et l’amélioration du cadre de vie des habitants. De plus, la relation entre élus et habitants doit y être renforcée grâce à la création de conseils de citoyens. Cette participation s’inscrit dans le pilotage du contrat de ville en partenariat avec les élus locaux. Le conseil de quartier est considéré comme un lieu d’échange entre habitants enclins à alimenter les réflexions de planification urbaine grâce à leur connaissance de leur espace vécu.

Fig 1 - Le Mans Métropole, indice de fragilité. Concentration de la pauvreté dans les Quartiers prioritaires de la ville

Sources : INSEE, 2015.

3Cinq QPV constituent ce zonage à l’échelle du Mans Métropole (figure 1) :

• Bellevue-Carnac,
• Chaoué-Perrières,
• Épine,
• Ronceray-Glonnières-Vauguyon
• Sablons-Bords-de-l’Huisne

4Le principe de carroyage mis en place par l’Institut national de la statistique et des études économiques prévoit une ventilation des aides selon un indice de fragilité. Ce dernier se fonde sur le critère de Revenu médian de référence (RMR). Il s’agit de cibler la moitié des habitants qui possède un revenu fiscal inférieur à 60 % du revenu fiscal médian. Ce principe de délimitation qui réduit de 30 % les emprises des périmètres originels, équivalent à la zone urbaine sensible ou au quartier en Contrat urbain de cohésion sociale, a provoqué d’importantes logiques de tractations des élus pour éviter les pertes de subsides de l’État sur leur commune. La figure 1 montre bien le lien entre identification des ménages les plus fragiles et délimitation des frontières QPV. Les ménages situés dans chaque carreau rouge de la carte représentent donc le pourcentage de ménages dont les revenus sont les plus faibles par rapport au Revenu médian de référence rapporté au nombre total de ménages.

Des indicateurs en question

5Pour autant, Il est possible de discuter de la pertinence de l’usage du RMR. La prise en compte d’autres variables pour qualifier la pauvreté montre que la notion peut être discutée au regard de nombreux autres critères. La réflexion autour des indices composites de pauvreté est très riche dans la littérature scientifique. Il est même parfois question de « déprivation ». Pour (Townsen, 1987) les inégalités peuvent relever des conditions d’accès au logement, de l’accès aux ressources combustibles pour se chauffer ou cuisiner, le fait de pouvoir se vêtir, d’accéder à l’éducation, de travailler dans des conditions décentes. Le débat porte sur la nature des définitions que l’on confère au terme. Par exemple, (Alkire et Santos, 2010) abordent la question des inégalités sociales en définissant des seuils de déprivation des individus dans le domaine de la santé, l’éducation et le niveau de vie. L’indice de déprivation de Carstairs et Morris (1991) utilisé par le gouvernement écossais résulte de la somme non pondérée de quatre variables : celles du chômage, de l’absence de véhicule personnel, l’appartenance à une classe sociale dite basse, l’occupation d’un logement surpeuplé. C’est dans cette perspective que nous avons testé un Indice composite sur le terrain du Mans Métropole. Il se fonde sur la prise en compte de critères plus larges que le RMR pour aborder la notion d’inégalités socio-spatiales. La portée de cet indice est bien-sûr discutable, sujet à débat, comme nombre d’indices utilisés.

6Nous avons croisé plusieurs variables de l’INSEE à disposition : la population des moins de 20 ans et celle des plus de 60 ans. Cette prise en compte de deux classes d’âge extrêmes de la série statistique sert à rendre compte d’une dynamique démographique dans chaque carreau de 200 m. Nous y avons adjoint la variable des moins de 3 ans qui est aussi un indicateur de dynamique de classe d’âge. Cette variable, associée à la prise en compte du taux de jeunesse est assez discriminante pour l’octroi de subventions. Le taux de logements collectifs et la variable ménage ont été intégrés car ils mettent bien en évidence les conditions d’habitation avec un nombre d’occupants par logement. À partir d’un découpage de la série statistique en déciles, nous avons attribué un score à chaque carreau en partant d’une base 100. Plus le score est haut, plus le discriminant est présent. La légende de la Figure 2 montre bien que des poches de pauvreté (symbolisées par des carreaux rouges et bruns), au préalable identifiées, par le RMR peuvent s’étendre bien au-delà des délimitations des QPV de la communauté urbaine du Mans. Cette cartographie met en évidence le fait que la question des inégalités socio spatiale est un problème de fond, complexe à gérer qui s’étend bien au-delà de la politique de zonage de l’État.

Fig. 2 - Le Mans Métropole, Indice composite et poches de pauvreté

Sources : INSEE, 2015.

7De plus, même si des dispositifs de démocratie participative ont vu le jour au sein des QPV, la question du renouvèlement des collèges de représentants se pose. Ces derniers sont souvent captifs de la hiérarchie issue de la démocratique représentative. Par ailleurs, l'information des observatoires de la Politique de la Ville est lacunaire. Certaines municipalités ne disposent pas de moyens suffisants d'accès à la donnée pour observer les populations et valider leur ressenti terrain. L'entretien de cet inégal accès à la donnée pose la question de la capacité de revendication des responsables politiques de ces communes face à leurs homologues.

Fig. 3 - Le quartier des Sablons au Mans

https://atlas-social.univ-lemans.fr/art857sablons/

Crédits : Bailly G., Charpentier S., vue drone 2023.

Guillaume Bailly et Thomas Louche, 2023 : « Le Mans Métropole, des poches de pauvreté qui échappent au zonage de la Politique de la Ville », in G. Bailly, A. Gasnier, S. Angonnet, Atlas Social du Mans [En ligne], eISSN : 2968-0247, mis à jour le : 16/01/2024, URL : https://atlas-social-du-mans.fr:443/index.php?id=857, DOI : https://doi.org/10.48649/asdm.857.