Partant du constat que la mise en scène de la nature en ville suscite l’adhésion et l’engouement des visiteurs pour les patrimoines urbains, la ville du Mans s’est inscrite dans cette tendance en posant un regard novateur sur l’articulation entre patrimoine monumental et patrimoine naturel. La nature en ville comme demande sociale est-elle alors un des éléments clé de la réussite de la candidature UNESCO ?
Sandrine Fernandes Angelo, étudiante de 3e année de Licence de géographie au Mans, a travaillé sur le projet Mumatourisme dans les laboratoires CREaAH et ESO. Elle a collecté, traité des données et réalisé les cartes du présent article.
1La réintroduction de la nature en ville est une tendance qui s’affirme et prend différentes formes allant de la végétalisation des espaces publics, des toits et des façades, à la création de trames vertes au sein des agglomérations permettant de connecter parcs, jardins, rives, ceintures maraîchères et zones humides plus périphériques. Par ailleurs, les événements festifs sont également l’occasion de rendre visible et de célébrer la nature en ville et de répondre ainsi à une demande sociale de plus en plus affirmée à la fois pour les habitants et les visiteurs.
2Au Mans, la cité Plantagenêt, cœur historique de la ville, bénéficie d’un nombre important de jardins privés et publics. Les jardins s’étendent sur 16,5 % de la cité Plantagenêt et 21 % de la surface du Secteur sauvegardé. Ils sont pour moitié publics et pour l’autre moitié privés (Figure 1).
Fig 1- Espaces verts de la Cité Plantagenêt
3Les rues et les ruelles de la trame urbaine médiévale, les maisons d’époques différentes, dont bon nombre sont classées ou inscrites aux Monuments historiques (MH), cachent des jardins privés aux pieds de l’enceinte romaine, auxquels s’ajoutent des espaces publics transformés progressivement en jardins d’agrément. Le processus de patrimonialisation de la cité Plantagenêt, initié depuis les années 1960-70 malgré les velléités modernistes (projet de voie rapide le long de la Sarthe à la fin des années 1970) et avec notamment le classement comme secteur sauvegardé en 1966, s’est accéléré dans les années 2000 avec l’obtention du label « Ville d’Art et d’histoire » du ministère de la Culture en 2002. Il s’est consolidé grâce à plusieurs initiatives d’animation et de scénarisation de la ville et de l’enceinte romaine avec le Plan lumière (2001), puis la Nuit des Chimères (2005). Les jardins du Vieux Mans, rebaptisé à cette occasion cité Plantagenêt (2004), ne pouvaient pas rester en marge de cette dynamique.
4L’idée de proposer un événement mettant en scène les jardins privés et publics de la cité Plantagenêt, naît à la fin des années 2000 à l’initiative de l’association de citoyens « Entre cours et jardins ». La première édition de la fête des plantes et des jardins en 2008 accueille 20 exposants et quatre jardins privés sont alors ouverts au public. Grâce à l’appui de 350 bénévoles, La fréquentation est aujourd’hui de 20 000 participants chaque année d’après l’association. Cet événement a été suivi d’actions pérennes, comme la création de nouveaux espaces verts publics, à l’image de la vigne plantée à l’emplacement de l’éboulement de l’enceinte médiévale rue des fossés Saint-Pierre, le pôtagenêt, sur le site de l’église Saint-Pavin (intra-muros) aujourd’hui disparue, la transformation du jardin du Bicentenaire en jardin médiéval (Jardin de l’Évolution). Au début des années 2020, ce sont plus de 140 exposants et 40 jardins privés qui font de « Entre cours et jardins » un événement d’ampleur nationale, contribuant à l’élargissement de l’offre touristique au mois de septembre.
Fig 2- Projection Nuit des Chimères sur la muraille
5Au-delà de l’attractivité de cet événement pour les différents publics, de la curiosité à entrer dans des espaces patrimoniaux privés, « secrets », et jusqu’alors soustraits à la vue du visiteur, l’événement joue un rôle très fort en termes de marketing territorial pour la ville du Mans, visant à infléchir l’image d’une ville de l’automobile où les patrimoines et la nature en ville sont restés confidentiels.
Figure 3- Entre cours et jardins 2021
6« Entre cours et jardins » a ainsi révélé l’existence d’un autre patrimoine, vivant, végétal, plus uniquement écrin d’un patrimoine architectural privé et élitiste mais aussi objet d’attention pour les manceaux et fierté pour ses habitants. La Présidente de l’association ajoute « on est tous conscient de vivre dans un écrin patrimonial exceptionnel et on a envie de le partager. Je suis consciente qu’en ouvrant ces jardins au public, on met en avant le patrimoine et on le met en valeur en permettant aux gens de déambuler dans la vielle ville. Cette fête permet aux gens de se perdent, ils vont dans des rues où ils n’allaient jamais ». (Entretien 2022).
7Une appropriation de l’espace patrimonial par les habitants et les visiteurs a donné naissance à d’autres pratiques de déambulation dans la Cité Plantagenêt le temps d’un week-end, à une autre narration de la ville historique, née d’une passion croissante de la société pour l’horticulture, l’art des jardins et l’écologie. Pour un des participant à l’évènement « entre cours et jardin » l’ouverture au public « est une mise en spectacle du patrimoine naturel de la ville, une sorte de mise en expression » (Entretien 2022).
8La nouvelle scénographie de l’événement estival « la Nuit des Chimères », accompagne cet infléchissement et offre également au public une mise en lumière des arbres de la cité Plantagenêt.
Fig 4- Arbre de la Nuit des Chimères avec un visage
Crédits : Élodie Salin, ESO Le Mans, 2021.
9Dès les années 2015 sous la mandature de J.-C. Boulard, La municipalité avait déjà fait de la végétalisation des rives de la Sarthe un écrin pour l’enceinte romaine du Mans, candidate pour figurer sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Fig 5- Végétalisation des rives de la Sarthe
Crédits : G. Bailly, S. Charpentier, Drone, ESO Le Mans, 2021.
Fig 6- Jardins de la cité Plantagenêt au pied de la cathédrale du Mans
Crédits : G. Bailly, S. Charpentier, Drone, ESO Le Mans, 2021.
10Elle va franchir une nouvelle étape avec le futur jardin archéologique au chevet de la cathédrale. La création d’un centre de visiteur dédié à l’interprétation archéologique des vestiges de l’enceinte romaine de la fin du IIIe siècle, au milieu d’un jardin qui reste à construire, proposera une nouvelle appropriation de l’histoire du Mans et de son paysage urbain. Un parcours de visite botanique et sensoriel y est également à l’étude avec l’appui de l’association « entre cours et jardin ». Alors que 46 % des personnes sondés en 2021 (sur un panel de 835 habitants, MUMATOURISME, 2021) imaginent plus d’espaces verts dans la cité Plantagenêt, les aménagements paysagers et les manifestations festives proposent une nouvelle manière de réinventer le cadre de vie, l’image de la ville historique et d’augmenter ainsi son attractivité.
Fig 7- La cité Plantagenêt depuis les rives de Sarthe, vue drone
https://atlas-social.univ-lemans.fr/art651jardins_muraille/Crédits : Bailly G., Charpentier S., vue drone 2022.
Pour citer ce document
Élodie Salin, 2023 : « Nature en ville et patrimoine », in G. Bailly, A. Gasnier, S. Angonnet, Atlas Social du Mans [En ligne], eISSN : 2968-0247, mis à jour le : 24/05/2023, URL : https://atlas-social-du-mans.fr:443/index.php?id=651, DOI : https://doi.org/10.48649/asdm.651.
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Partant du constat que la mise en scène de la nature en ville suscite l’adhésion et l’engouement des visiteurs pour les patrimoines urbains, la ville du Mans s’est inscrite dans cette tendance en posant un regard novateur sur l’articulation entre patrimoine monumental et patrimoine naturel. La nature en ville comme demande sociale est-elle alors un des éléments clé de la réussite de la candidature UNESCO ?
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